Festival
Orgue et viole : un duo insolite
Entretien avec Salomé Gasselin, violiste.
Quelles sont les particularités de l’association de votre instrument à l’orgue ?
La viole et l’orgue entretiennent des liens étroits, notamment par un répertoire poreux. En cherchant dans la musique française du XVIIe qui peut s’exécuter à l’orgue ou sur les violes, je suis tombée sur Eustache du Caurroy, Charles Guillet, Claude Lejeune, François Roberday qui publie en 1660 ses Fugues, et caprices, à quatre parties mises en partition pour l’orgue. Pour ce recueil Roberday utilise une notation plus difficile à lire pour l’organiste amateur, celle de la tablature nova de Scheidt (1624). Cela m’intéressait car il y a une ligne distincte pour chacune des quatre parties. Pour justifier cette notation, il précise en introduction : « Il y a encore cet avantage que si l’on veut jouer ces pièces de musique sur des violes ou autres semblables Instruments, chacun y trouvera sa partie détachée des autres ». Plus tard, en 1683 on retrouve Nicolas Gigault « Livre de musique pour l’orgue, exécution possible au luth, au clavecin, à la viole, au violon, à la flûte et sur d’autres instruments »
A l’inverse, certains préludes des pièces vocales des Mélanges de Dumont, destinées à trois violes, peuvent « aussi servir pour l’orgue ». Toute cette réflexion est partie d’une pièce d’Henry Dumont : Allemande pour l’Orgue ou le Clavecin, & 3 Violes si l’on veut. J’ai récemment découvert la musique de l’organiste Jean-Nicolas Geoffroy grâce à Aurélien Delage… je ne suis pas au bout de mes surprises. Mon intuition de musicienne me laisse penser que ce répertoire poreux n’est pas spécifique au répertoire français.
Pouvez-vous partager un moment mémorable ou une performance particulièrement marquante de votre carrière en duo avec l’orgue ?
Nous jouions sur l’orgue de Charolles en Bourgogne en duo avec Emmanuel Arakélian au mois d’août 2023. L’orgue était extrêmement puissant et je craignais que mon son soit complètement « mangé » par ce dernier dans bien des passages. Aidé de Guillaume Prieur pour les balances, nous avons été fortement surpris : l’alliance des deux instruments n’était pas une question de puissance mais d’harmoniques communes. Ainsi, certaines combinaisons de l’orgue, plus fortes en décibels, laissaient mieux passer ma viole que d’autres, plus douces, où les harmoniques des deux instruments se confondaient. Quelle belle confusion !
Quels futurs projets avez-vous en duo avec un orgue ?
Je souhaite continuer à explorer ce répertoire français pour le consort de viole mêlé à l’orgue, un projet colossal. Un de mes rêves les plus chers serait d’aller jouer la musique anglaise XVIIe avec l’orgue à tuyaux de bois du Château de Frederiksborg.
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