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Portrait de Gabriele Agrimonti

publié le 19 juillet 2022

Gabriele Agrimonti, organiste italien, a été le lauréat du 13e concours international d’orgue de Toulouse en 2021 dans la catégorie orgue symphonique et a également reçu le prix du public.
Programmé dans le cadre de la 27° édition du Festival Toulouse les Orgues, c’est l’occasion de revenir sur son parcours de jeune organiste prometteur.

 

  • Vous avez découvert l’orgue très tôt, à l’âge de 11 ans, et vous avez même été co-titulaire de l’orgue de la Basilique Santa Maria della Steccata de Parme à l’âge de 13 ans seulement, pour quelle occasion avez-vous découvert cet instrument ?

A : C’est une histoire assez sympa. J’avais commencé à jouer de l’orgue à 11 ans dans l’église d’une petite ville à côté de Parme. Un jour, durant un enterrement, ma mère a connu un organiste qui s’appelait Ugo Leoni. Elle a réussi à organiser une rencontre après lui avoir dit : « Vous jouez très bien ! Mon enfant joue aussi de l’orgue ! »

Il était titulaire de l’orgue de la Basilique Santa Maria della Steccata que j’ai pu visiter à l’âge de 13 ans. Il a été un peu comme un « père musical » pour moi : il m’a transmis l’intérêt pour l’instrument, même si j’étais déjà très intéressé, mais il m’a fait connaître réellement le milieu de l’orgue, le déroulement des concerts etc.

Même s’il n’a pas vraiment été un professeur d’un point de vue technique, il a été une sorte de guide presque spirituel. Il m’a présenté beaucoup de personnes et m’a lancé sur le territoire de Parme. C’est grâce à lui que j’ai pu avoir ce poste de cotitulaire ! Il m’a dit : « Tu joues très bien ! Viens jouer pour les messes ! »

Pour moi, c’était incroyable de commencer dans une église aussi belle, sur un orgue magnifique. Malheureusement, aujourd’hui l’instrument est en mauvais état et je ne peux plus jouer dessus ! C’était un des orgues les plus importants de ma région. Il m’a procuré un réel enthousiasme pour avancer dans le milieu de la musique.

  • Vous avez eu beaucoup de professeurs de renoms tels que Thomas Lacôte, Olivier Trachier ou encore Thierry Escaich pour ne citer qu’eux…quels enseignements ou conseils retenez-vous globalement de vos années à leurs côtés ?

A : C’est une question difficile…S’il faut vraiment en retenir un en particulier, ça serait la vision de la musique à grande échelle. Avant de rentrer au Conservatoire de Paris, je m’intéressais à l’harmonie, au contrepoint, aux petits détails de la musique. J’en avais presque oublié qu’elle n’était pas faite que dans le détail. Cette étude par rapport à la forme, à la structure de la pièce, m’a fait ouvrir les yeux sur l’importance fondamentale de cette vision globale de la musique.

  • Avez-vous un répertoire de prédilection ? 

A : Non ! J’aime beaucoup toutes les époques et tous les styles de répertoire, mais il est vrai que, depuis un peu moins d’une dizaine d’années, je m’intéresse beaucoup à l’orchestre. La complexité et la richesse du son m’a toujours fasciné : l’orchestre respire !

J’essaye de reproduire la même chose à l’orgue lors d’improvisations ou de pièces de répertoires, ce qui m’a amené à me pencher sur des retranscriptions à l’orgue de pièces d’orchestre. Le programme que j’avais présenté pour le concours international d’orgue de Toulouse était composé entièrement de retranscriptions : une pièce d’orchestre de Tchaïkovski, l’interlude d’un opéra de Puccini et également une transcription du poème symphonique de Lizst « Les Préludes ».

C’est une manière pour nous, les organistes, d’aller plus loin avec l’orgue et de s’approcher de l’orchestre pour essayer d’en reproduire la richesse, de façon différente, avec la recherche du timbre et des plans sonores.

  • Plutôt partitions ou improvisations ?

A : Les deux ! Je ne pourrais pas imaginer faire seulement l’un ou l’autre. J’essaye de trouver un équilibre entre les deux et faire des programmes de concerts variés. L’improvisation permet de rester ancré à l’instant : on peut vraiment en profiter pour mettre en valeur les détails du jeu de l’instrument, contrairement à des pièces plus techniques qui ne le permettraient pas.

Parfois, un orgue avec un jeu très particulier ne peut pas s’adapter avec la pièce d’un compositeur qui exige d’autres sonorités. Je peux vraiment être flexible avec l’improvisation et mettre en valeur tous les détails de l’orgue qui m’intéressent, bien qu’elle ne soit jamais aussi bien calculée qu’une pièce écrite qui donnera un résultat beaucoup plus accompli.

  • Une anecdote de concert ?

A : En 2018, à Haarlem, j’ai été finaliste d’un concours d’orgue à la Philharmonie. Il y avait une épreuve où on savait à l’avance qu’on devait improviser à l’orgue au fond de la scène, avec un danseur en mouvements à l’avant. Dans les loges, avant de passer mon épreuve, le danseur est venu me voir pour essayer d’organiser un peu les choses à l’avance. J’ai abordé le sujet avec des questions techniques et demandé s’il avait déjà des idées. Il m’a regardé une minute en silence et m’a juste dit : « Ok, j’ai compris. On y va. » Je me suis dit : « Mon Dieu, qu’est-ce que ça va donner… ».

Finalement, c’était magnifique : j’ai improvisé une sorte de valse un peu caricaturale, grotesque et drôle, dans un dialogue avec la musique et les gestes du danseur qui avait commencé à danser de façon traditionnelle. Puis, il est descendu dans le public pour voler une chaussure à une dame et la jeter ailleurs ! Ensuite, il a pris une feuille pour la déchirer et faire des ailes avec. C’était incroyable ! C’était à la fois drôle et très profond. J’ai vécu quelque chose de très fort ce jour-là.

  • Pour le Festival Toulouse les Orgues vous allez illustrer en musique le film Finis Terrae sur l’orgue de la Daurade. Le format ciné-concert est une grande première pour vous ?

A : J’en ai déjà fait plusieurs fois : à l’auditorium de Lyon, en 2018, et ensuite à Lisieux avec le film Jeanne d’Arc. Ce n’est pas vraiment une première fois, mais comme chaque film est différent, c’est tout comme ! On travaille en fonction de l’esthétique du film, de l’image, de l’histoire etc. C’est toujours une expérience et une approche musicale totalement différente. Il y a à la fois un peu d’improvisation et de recherche : ce n’est pas quelque chose d’obligatoire, mais j’aime étudier le contexte musical en fonction du contexte culturel du film. La musique peut vraiment changer de manière très profonde la lecture d’une scène. C’est un travail complexe, mais passionnant !

  • Quels sont vos projets ou ambitions pour les années à venir ?

A : Pour l’instant, je peux vous dire que j’ai été nommé organiste titulaire à l’église nationale française Saint-Louis-des-Français à Rome. C’est une nouvelle aventure qui commence à partir du 1er septembre !

J’aimerais aussi, un jour peut-être, créer à mon tour un festival d’orgue national et international pour amener en Italie ce que j’ai pu apprendre en France en tant qu’organiste. L’orgue de l’église Saint-Louis-des-Français est un instrument historique construit par Joseph Merklin en 1881. C’est un peu une exclusivité dans le pays en terme de représentation de la musique française. Imaginer un festival, ou plutôt une saison musicale, autour de ce lieu et cet orgue serait une occasion de cultiver un échange entre la tradition musicale française et les organistes italiens.

Retrouvez Gabriele Agrimonti au ciné-concert du festival de Toulouse les Orgues : https://toulouse-les-orgues.org/evenement/cine-concert-finis-terrae/

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